Yémen : une guerre oubliée
Tandis que la communauté internationale tourne son regard vers la Syrie et l’Irak, le chaos règne, et ce depuis plus de deux ans, au Yémen dans une quasi-indifférence. L’ONU évoque la « pire crise humanitaire au monde ».
L’historique : un État fragilisé par différents phénomènes
Le Yémen est un pays qui s’effondre, l’État ayant à faire face à plusieurs crises internes. Tout d’abord, le gouvernement du président Hadi (au pouvoir depuis 2012) est en conflit avec les rebelles chiites houthistes, conflit ayant fait des milliers de victimes. Les combats se sont progressivement étendus à de nouvelles zones géographiques. Du reste, le Yémen est présenté depuis plusieurs années comme un nouveau bastion terroriste. En 2009, on a en effet assisté à l’unification des branches d’Al-Qaïda au Yémen et en Arabie saoudite, sous le nom d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). L’État islamique s’est également implanté dans le pays et mène des actions dans plusieurs provinces. Une autre donnée est la nécessaire prise en compte du fait tribal dans la société yéménite.
Les manifestations du printemps arabe ont eu pour conséquence le départ du président Ali Abdallah Saleh (1990-2012) ce qui a entraîné une recrudescence de la rébellion houthiste. Celle-ci a pu consolider davantage son contrôle sur le nord-ouest du pays. La prise de pouvoir de Mansour Hadi a plongé le pays dans une série de troubles avec des officiers fidèles à l’ancien président Saleh, des conflits tribaux dans le nord et des menaces d’Al-Qaïda près de la frontière saoudienne.
La révolte des Houthis et l’instauration d’une coalition arabe
Les rebelles houthistes constituent une menace très sérieuse pour le pouvoir saoudien. Ce groupe était déjà, depuis des décennies, actif sur les hauts plateaux, en particulier dans leur bastion de Saada au nord-ouest du pays. La naissance du mouvement remonte à la branche d’inspiration chiite zaydiste qui avait, auparavant, dominé le Yémen. La ville de Saada constitue en effet le berceau du zaydisme. A la suite de la guerre civile des années 1960, ses membres ont été très sévèrement réprimés par le pouvoir pendant de nombreuses années.
Les Houthis, galvanisés par leurs acquis précédents, ont mené une offensive spectaculaire contre le gouvernement du président Hadi. Au prix de violents combats ils prennent le contrôle de nombreuses zones et atteignent la capitale Sanaa, dont ils s’emparent fin mars 2015.
Les avions d’une coalition arabe mise en place par l’Arabie saoudite mènent alors une campagne de bombardement sur les positions rebelles. Face à la crise qui s’est développée au Yémen, une coalition internationale menée par l’Arabie saoudite s’est formée et intervient au côté des forces du sud depuis mars 2015. On retrouve dans cette coalition des pays comme l’Égypte et la Jordanie. Elle a le soutien des États-Unis et de la France notamment. L’Arabie saoudite impose de plus un blocus aux ports du Yémen. Des responsables de l’ONU ont déclaré dernièrement que des milliers de victimes étaient à craindre si le blocus de l’Arabie saoudite perdurait. Le blocus était total ces trois dernières semaines et il s’est fissuré le week-end dernier sous la pression de l’ONU afin de permettre l’arrivée de l’aide humanitaire. La situation est critique au niveau humanitaire, le Yémen faisant en particulier face à une épidémie de choléra depuis plusieurs mois. La famine menace également plus de 7 millions de personnes.
L’opposition entre les deux courants principaux de l’Islam, le chiisme et le sunnisme, est entretenue au Yémen par la confrontation entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite. Les tensions entre les deux pays ont été ravivées début novembre 2017. L’Arabie saoudite a en effet accusé l’Iran d’être responsable d’un tir de missile en fournissant aux rebelles houthistes de l’équipement militaire. Avec le conflit syrien et la crise actuelle au Yémen, la montée en puissance de l’Iran depuis les années 1980 est mise en exergue. La Russie a rejoint le camp iranien mais ne tolérera pas des menaces sur Israël. Désormais, la lutte entre les deux puissances du Proche-Orient est entrée dans une nouvelle phase et l’Arabie heureuse chère à Rimbaud ne cesse de s’enfoncer dans la guerre.